Entretien avec Serge Bondt, coauteur du film STAR

Un matin d’été 2016, dans un café près de Répu’, je rencontre Serge, coauteur du film STAR prévu pour la rentrée. Au programme: urbanité, littérature et gueta.

Bon app’

Hélaire

Dans STAR, le film de Marc-Aurèle Vecchione, tu joues le rôle d’un officier de police. Personne d’autre voulait jouer le rôle du flic ou c’était à ta demande ?

Capture d’écran 2016-07-02 à 19.57.08

« Monsieur le Commissaire »

Serge Bondt

En fait, l’énergie du film, ç’a été un peu… à la fois un film entre potes et à la fois un film très sérieux. Et quand s’est présenté le casting, Marc-Aurèle Vecchione a eu envie de fédérer des énergies qui connaissaient cet univers-là. Donc, pour les rôles de tagueurs, ça s’est imposé avec des amis dont on pensait qu’ils pourraient donner quelque chose à l’écran et ça s’est avéré être le cas. Et par contre, pour le personnage du flic, on en parlait et puis il m’a regardé et je lui ai dit : « moi, ça me tente bien » et il m’a dit « pourquoi pas ! » et ça s’est fait un peu comme ça. Je trouvais ça marrant de le faire. La comédie m’a toujours attirée.

H

T’as fait du théâtre ?

SB

Non, disons que dans certaines circonstances, je peux être assez extraverti, faire la fête…

H

Être un guignol ?

SB

Exactement. J’aime bien parfois avoir les feux des projecteurs… pendant une soirée ou un dîner… Je raconte mes conneries, tout ça…

H

Ouais, j’ai vu des photos de concerts où t’avais l’air assez chaud…

SB

C’est ça… Donc, ça s’est fait comme ça, sans trop de réflexion et ça s’est avéré être assez difficile… Après, je suis pas très à même de juger ma performance.

H

T’as coécrit le film donc… Ca s’est déroulé sur une période de combien de temps ?

SB

Quelque chose de l’ordre de deux, trois ans et évidemment on était pas à temps plein dessus. Marc-Aurèle produit des documentaires et web-séries. Moi, à l’époque, j’avais un boulot alimentaire, donc je pouvais pas être dessus à 100%. On travaillait très fréquemment dessus, mais pas à temps plein, ce qui fait que ça a un peu étiré l’écriture…

H

Par mail ou autre ?

SB

Ouais, par mail, on faisait des séances de travail en face-à-face aussi et puis des aller-retours par mail quand on pouvait pas se voir, mais c’était très régulier…

H

Et, ça a été une écriture scène par scène ou y’avait déjà un pitch à l’origine ?

SB

En fait, c’est vraiment un film de Marc-Aurèle Vecchione, donc c’est l’histoire qu’il voulait raconter, ses enjeux, tout ça même si j’y ai mis mon grain de sel après. Initialement, on avait travaillé sur un format court-métrage et puis, c’est devenu un long-métrage parce qu’il avait plein de choses à dire et moi j’avais plein de choses à dire sur les choses qu’il avait à dire… (rires). Donc, ça s’est transformé naturellement, mais la trame, il l’avait déjà travaillée de son côté.

H

Et vous vous connaissiez déjà au départ ?

SB

Marc-Aurèle Vecchione, c’est une légende du graffiti parisien et maintenant figure emblématique des GT. Je connaissais un certain nombre des membres du groupe -soit via le boulot, soit via des ambiances urbaines, nocturnes, festives etc- mais je ne l’avais jamais rencontré lui. C’est un ami producteur, Amaury Ovise de chez Kazak Productions, qui a provoqué la rencontre. Il avait été assez fasciné par le personnage et il voulait un peu l’emmener vers la fiction, ce que voulait déjà faire Marc-Aurèle Vecchione, mais ils avaient besoin de quelqu’un pour l’aider à écrire le scénario. On va dire que Marc-Aurèle, c’est plus quelqu’un qui est à l’aise avec l’image, mais coucher des choses sur le papier, c’est pas son premier truc… même si en se faisant violence il y arrive très bien. Donc, moi, j’arrivais pour l’aider à faire ça et éventuellement dynamiser certaines scènes et ça a bien cliqué tout simplement. On s’est rencontrés. « Ah, tu connais untel, machin. –On va raconter ça. –Oui, bien sûr. C’est ce que j’ai vécu, etc. »

H

Y’a eu une connivence très rapidement ?

SB

Oui.

H

Tu me disais que t’étais parisien pur jus. T’as été influencé par Audiard pour écrire ou tu y as pas du tout pensé ?

SB

Si, si. On va dire que tout ce que j’écris, à la fois pour STAR et ce que j’écris à côté, c’est quelque chose que je revendique comme très urbain, donc très oral et donc avec l’argot, la verve qu’a notre génération et même celle qui arrive… et forcément des gens comme Michel Audiard, ce sont des gens très impressionnants. On parle beaucoup de punchline dans le rap, donc c’était des punchlines avant que le mot soit trouvé. Ce sont des dialogues hyper ciselés, qui faisaient mouche.

A un moment, j’y ai pensé parce que Sari, qui joue donc dans le film, quand il a lu le scénario il disait : « mortel, ce que vous avez fait, c’est Les Valseuses dans le graffiti version 2010 ». Donc, c’était un compliment et une référence à Blier qui m’avait fait plaisir parce qu’on a essayé de retranscrire la verdeur du langage urbain.

H

Donc, t’as toujours aimé écrire ?

SB

Ouais, j’ai toujours aimé écrire, mais j’ai pas toujours été bon, si tant est que je suis bon maintenant (rires). J’ai beaucoup rappé. Moi, ma grande claque littéraire, c’est Voyage au bout de la nuit de Céline, donc ça rejoint Audiard en bien des points. Donc, pendant longtemps, j’ai fait des copier-coller un peu pourris des auteurs que j’admirais.

H

Tu cherchais ton style ?

SB

Ouais, ça a été beaucoup de travail, en tout cas en ce qui concerne la prose. J’ai beaucoup rappé et j’ai trouvé mon style dans le rap assez rapidement, parce que j’en écrivais tout le temps même si c’était pas forcément génial non plus. Donc, ouais l’écriture, c’est très central dans ma vie.

H

Tu signes des articles « Bardamu » pour Yard – le personnage principal de Céline notamment dans Voyage au Bout de la Nuit– un hommage ? C’est le style Céline (points de suspension, mélange d’une langue parlée et littéraire) qui te parle ou ce personnage ? Une raison particulière pour Bardamu ?

SB

C’est plus qu’un hommage. Céline parlait souvent de sa « petite musique » littéraire et c’est quelque chose auquel j’ai été extrêmement sensible. Son style est à la fois poétique, sulfureux, sublime, tout un tas de chose. Son avatar romanesque et l’emblème de sa musicalité, c’est Ferdinand Bardamu, donc au moment de trouver un pseudo, le choix était tout trouvé… J’aime bien la sonorité de Bardamu; c’est marrant, Bardamu, c’est un peu franchouillard et tout, c’est drôle. Par contre, je ne verse évidemment pas dans les thèses antisémites et tout le côté odieux de Céline. Mais pour moi, ce qu’il a créé en termes de style littéraire dans Voyage au bout de la nuit et Mort à Crédit, ça a une résonance incroyable. J’aime aussi son rejet global de la médiocrité humaine. Il nous jette tous aux chiottes et je suis assez d’accord. Il y a parfois quelques moments précieux de grâce, et c’est tout.

H

En tant que parisien pur jus, t’as vécu où ?

SB

De ma naissance au divorce de mes parents, j’étais dans le 2ème arrondissement, vers Opéra.

H

Près du passage Choiseuil alors ? 

(Céline y a passé une partie de son enfance.)

SB

Exactement. De 8 à 18 ans, j’étais avec ma mère à Colonel Fabien. Après, je suis retourné chez mon père pendant plus de 10 ans et depuis, je suis à Arts et Métiers, à côté. Je vais déménager d’ici un petit mois dans le 18ème. Et le 18eme est vraiment un quartier de cœur pour moi, par rapport au graffiti, au sport, au rap… ou même traîner dans les rues. En gros, « mon » Paris, c’est le centre, le nord et l’est. Ce sont des quartiers de cœur, émouvants pour moi. J’ai des souvenirs dans chaque rue. Des meufs, des soirées, du graffiti, tout ce que tu veux.

H

Tu peux nous en dire un peu plus sur ton milieu d’origine et si tu as des frères et sœurs ?

SB

Je suis fils unique. Socialement, tout partait pour le mieux puisque quand mes parents étaient ensemble, mon père gagnait bien sa vie, ma mère aussi. J’étais dans une bourgeoisie parisienne assez classique. Et puis, lorsque mes parents ont divorcé et que j’ai suivi ma mère, elle a chuté sur « l’échelle sociale » avec les années et, j’ai découvert d’autres choses… des choses dures pour elle. Moi, j’avais toujours mon père derrière moi, donc j’étais toujours bien vêtu, je mangeais toujours à ma faim, mais c’était vraiment difficile pour ma mère, et donc pour moi émotionnellement vu que je vivais avec elle. Je dis toujours que je suis un peu à cheval entre les deux en fait, j’ai un bon pied dans un truc très bourgeois et puis j’ai vécu des choses assez dures à travers le parcours de ma mère…

H

Ce qui t’a donné une force ?

SB

Une force et ça a aussi créé des faiblesses parce que c’était pas facile…

H

T’as été où au collège et au lycée ?

SB

Je changeais de collège ou lycée quasiment tous les ans. J’étais pas forcément un élève très turbulent, mais j’ai toujours été un peu une feignasse. Je passais avec 10,1 de moyenne ou 9,1… J’ai commencé dans le public et j’ai fait des collèges privés, parce que mon père pouvait les payer et parce que ma mère voulait que j’y sois. Avec ma mère, j’habitais cité de la grange aux belles à Colonel-Fabien, donc c’est pas le Val-Fourré, mais on n’est pas non plus rue de la Pompe. Au collège, elle voulait pas que j’aille là-bas. Y’avait trop de caillera. Du coup, j’ai eu une scolarité à part de mon quartier, c’était un peu étrange, quelque chose que j’ai un peu mal vécu sur certains aspects. Par rapport aux autres, c’était un truc très bizarre, je me souviens très bien de ce sentiment : je voulais être plus pauvre que je ne l’étais pour être comme les mecs d’en bas. Alors que la chute que vivait ma mère au quotidien était dramatique et certains de mes potes avaient des situations plus enviables en termes de stabilité. Donc, voilà, je me souviens de ces perturbations psychologiques, on va dire.

H

La météo mentale était fluctuante.

SB

Exactement.

H

Tes débuts dans le gueta, comment se sont-ils déroulés ?

SB

En sixième ou en cinquième, et je me souviens que j’écoutais Benny B…

H

B.E.N.N.Y B…

SB

Les gens de ma génération, on a tous cette casserole normalement. Je me souviens très bien d’un pote au collège qui me dit : « qu’est-ce que t’écoutes ? », « -Benny B », il me fait : « mais nan, faut pas écouter ça ». Je fais : « ah ouais ? ». Et il me fait écouter la formule secrète d’Assassin dans Rapattitude. Et là, je me souviens très bien de ce moment, j’étais dans la cour à Chaptal, dans le public, à Rome… Et là, mon visage s’est fracturé, j’ai pas compris ce qui arrivait, j’ai fait : « ouahh, c’est quoi ce truc ? ». Peu de temps après, j’ai acheté Le Monde de Demain qui venait de sortir. Là, la nébuleuse hip-hop -le rap, le djaying, le graff, le break- me tombe dessus et ce mouvement, cette culture me happe complètement et à partir de là, le tag m’a tout de suite attiré. J’ai commencé à taguer comme on commence à taguer, c’est-à-dire très mal, avec des marqueurs de merde et un style de merde.

J’me souviens, j’appelle un pote avec qui je jouais au foot, qui lui tagguait déjà très bien, il s’appelait Kemal, mais son tag, c’était KERNY. Et la première fois, dans le métro, je veux un peu l’impressionner avec mon pauvre style que j’ai un peu pompé dans Paris Tonkar et tout. Et là, je taggue un « 93Nicktamère ». Il me dit que non, je peux pas faire ça, que c’est un groupe, que je peux me faire taper dessus pour ça. J’avais pas du tout les codes, j’te dis ça, on avait 12-13 ans. Et grâce à lui, qui était plus implanté dans le milieu, j’ai fait mes classes avec lui et je suis devenu tagueur, si ce n’est talentueux, au moins respectable, quoi.

H

Une de tes particularités a été de ne faire quasiment que des tags. Ca relève d’un choix personnel, t’étais nul en dessin ? Flemme de bosser tes lettres ?

SB

Ouais, j’étais un peu nul en dessin, j’au toujours eu autour de moi des gens que j’admirais pour ça. La masse de travail qu’il m’aurait fallu pour leur titiller la cheville était trop grande et puis clairement j’avais pas la volonté et j’aimais bien le délire du tag vandale, essayer de faire des gros tags massifs ou un peu calligraphiques, parce que j’aime bien aussi l’aspect beau du tag. Donc, c’est plus ça qui m’a attiré. J’ai dû faire 10 chromes maximum. Je faisais souvent des chromes avec mon pote d’enfance, MIDI des ASG, qui lui avait une technique irréprochable et qui repassait un peu derrière moi pour les contours vu que je dégoulinais trop…

H

Rires

Un outil et/ou une surface de prédilection ?

SB

Plutôt marqueur, la 15, ce côté un peu biseauté, l’effet que ça faisait, j’étais moins à l’aise à la bombe, ce que j’ai aussi fait beaucoup, mais je trouvais que mes tags avaient moins d’impact avec la bombe. Ouais, une belle Corio un peu bordeaux, bien dense et tout, qui coule un peu…

H

Ca te parlait bien ?

SB

Y’avait un côté balafre du système.

H

Et ça tenait pas aussi à un côté un peu plus « noble », où tu touches le support, où ça reste presque plus du ressort de la calligraphie, alors que la bombe, même si des effets sont possibles, ne serait-ce que le mot, il est déjà si connoté négativement… presqu’un outil bâtard…

SB

Nan, je pense que ça a pas mal évolué. Même à l’époque, la bombe était déjà très usitée. C’est juste que moi, j’étais moins à l’aise et puis j’étais très métro aussi. Dans le métro, dans la journée, t’as un peu moins ta bombe, t’as plutôt tes marqueurs. Et les bombes, c’était plutôt aussi la nuit, genre tu sors et tu vas défoncer Paname. J’étais juste plus à l’aise avec le marqueur tout simplement. Mais les premiers tags de ZEUS par exemple, où il faisait un peu la technique du trait proche du mur, puis il relevait la bombe pour faire un effet nébuleux, qu’a continué à faire L’ATLAS ou des gens comme ça. C’était très beau quand c’est arrivé. Tu fais : « ouah, putain, c’est beau, ça tue ». Donc je le faisais un petit peu, mais dans le fond, j’étais plus à l’aise avec un marqueur.

H

Pour les remplir tes 15, t’étais un amateur de recettes de cuisine ?

SB

Oui, j’achetais ou je volais. Je prenais de la Corio à l’époque, ou de la Jet, je la mélangeais avec de l’acétone pour la rendre encore plus indélébile. C’était trois quarts-un quart, pour autant que je me souvienne. Et voilà, ça te faisait un marqueur assez violent quoi. Je me souviens de mélanges faits dans ma baignoire…

H

La baignoire s’en souvient encore ?

SB

Exactement. (rires) Ma mère m’avait grillé et tout. Genre : « mais qu’est-ce qui s’est passé ? –Non, rien. C’est de l’art plastique ! » Bref, n’importe quoi. (rires)

H

Tu t’es retrouvé face au commissaire pour du gueta, comme le héros du film ?

SB

Ouais, ouais. J’ai eu une toute petite condamnation. J’avais 17 ans. C’était il y a 20 ans. (rires) Un petit truc, je m’étais fait serré dans le métro à Porte Dauphine. Et à l’époque, c’était encore relativement clément, y’avait pas encore eu la salve des condamnations de 2001. La RATP m’avait fait payé 1000 francs (environ 150 euros). Et j’avais pété tout un wagon au marqueur et des couloirs aussi. A l’époque, j’avais un peu la folie des grandeurs, je faisais des grosses lettres au-dessus des céramiques, donc y’en avait certainement pour bien plus, mais bon…

C’était minable, t’es dans le bureau d’une juge qui a pas que ça à foutre, l’avocate commis d’office qui voulait s’en débarrasser au plus vite, moi aussi. Enfin bon, c’était un peu nul comme « procès ».

Sinon, j’me souviens d’une fois où on s’était fait serré et où on s’est retrouvé au commissariat qui était rue du Renard, qui n’est plus un commissariat d’ailleurs. Un keuf de la BAC qui me demande ce que je fais dans la vie. J’lui dis que je suis à la fac. Il me dit « quoi comme études ? –Des lettres modernes. » Et il me dit : « pourquoi tu fais des tags si tu fais des lettres modernes ? » C’était hyper marrant cette vision complètement monomaniaque de la vie. Ce qu’on fait, on doit faire que ça… ça m’avait trop stupéfait de connerie. Bah non, on peut faire deux ou trois choses. Tu sais les mecs de la BAC, le tag, ils s’en foutaient. A la limite, ils rigolaient plus avec nous qu’ils nous ont fait chier.

H

Tu me disais que t’avais fait un peu de métro, intérieurs, extérieurs, punitions ?  

SB

De tout, mais j’ai pas fait trop de dépôts. Beaucoup de carrosseries. Ouais, des intérieurs, y’avait pas vraiment de règles, pas de limites quoi. Et c’était tellement addictif, ça devient ton obsession…

H

Donc 1KLINE, c’était pour l’enchainement des lettres, une signification ou autre chose ?

SB

J’étais pas un tagueur avec beaucoup de personnalité, faut être tout à fait honnête. Je suis pas quelqu’un qui a créé son style. J’ai été un plus ou moins bon copiste de plusieurs styles. Certains tags étaient assez beaux, mais j’ai rien inventé. Et il en va de même pour mon nom de tagueur, j’ai eu plusieurs noms, mais 1KLINE, c’est celui que j’ai gardé le plus longtemps. Je l’ai pris à un pote, qui l’avait abandonné. Mon pote, c’était MARS, qui a été WIB après je crois, que je croisais plus du tout, mais je savais qu’il tagguait plus ça donc on s’était pas fâchés du tout et moi, j’aimais bien son tag et la manière dont il le tagguait à l’époque. Et ce que j’aimais bien dans ce tag, c’était la démultiplication des possibilités. Le 1, on peut le faire en chiffre, on peut faire IN, UN. Le K, ça peut être un C. Le L, c’est un L. Après EA, EE, Y, I. et N et ER. 1KLINER. Enfin, on pouvait presque tout faire.

H

Donc, vraiment pour la pluralité des possibilités ?

SB

Oui, un peu. Et puis ça sonnait bien.

H

T’as été l’instigateur de tes crews ou tu t’es greffé sur des crews qui existaient déjà ?

SB

Au début, je me suis greffé sur des groupes qui existaient déjà. J’ai été ACP, c’était un groupe qui avait beaucoup de résonnance sur la 12 à l’ancienne. Ils tagguaient pas très bien et moi non plus. Y’avait TROK qui est le rappeur SIDI O au passage, DTONE, des mecs comme ça, mais c’est très très vieux tout ça. C’était plus un groupe de caillera, que des tagueurs, mais ils cartonnaient bien. Ensuite, les ADK, dans une génération bien antérieure à celle qu’il y a eu après.

Par contre, j’étais vraiment aux débuts des ABC, on s’est connu avant que ça devienne un crew. J’me souviens encore de mon pote KOMPLO qui est vraiment une des figures tutélaires du groupe qui me dit : « faut qu’on trouve un nom de pegrou et tout, machin ». Moi, je raccroche, je commence à plancher sur des trucs… il me rappelle dix minutes plus tard. Je fais : « ouais, attends, j’ai des trucs ». Il me fait : « nan, c’est bon on a trouvé ». Je lui dis : « ah ouais ?! –Ouais, ABC, Au Boulot la Comatec. –Ouaisssss, mortel ». (rires)

J’ai d’autres groupes aussi. LGB (Le Ghetto Blaster) et ASG (All Star Gang). LGB, c’était un groupe qui me préexistait aussi. Y’avait beaucoup de ABC dedans et donc j’ai connu les autres. C’est vraiment des frères, YOUG, SAINT, PERVER, CAZO, LOGY, CRITIC…. On a vraiment cliqué. Et ASG, pareil, y’avait MIDI, WAR, DECK, SERP des gens que je connais depuis toujours qui étaient aussi des ABC et qui ont un peu créé leur truc de leur côté. Avec un penchant un peu plus graphique, ils faisaient beaucoup de terrains, de graffs, ils étaient vraiment très bons là-dedans. Tout ce petit monde est tatoué là.

Serge me montre un tatouage près du cœur.

 H

Tu les as à cœur, au propre comme au figuré.

SB

LGB, ASG, ABC, pour la grosse majorité, c’est des amis qui vont au-delà du gueta.

H

Tu me disais que t’étais fils unique, donc c’est ma transition qui tombe une nouvelle fois à l’eau, mais… est-ce que faire des guetas, c’est bien pour pécho ?

SB

Le graffiti correspond à une période de ma vie où j’étais mauvais séducteur. Je me suis amélioré vers 25 ans et c’était pas trop lié au graffiti. A la limite, comme j’étais dans des groupes plutôt racailleux comme les ABC, c’était plus ça qui pouvait exciter des meufs, tu vois. Des meufs qui voulaient se frotter aux mauvais garçons. Donc, moi, j’ai toujours eu l’intelligence de rester à ma place, j’ai jamais été une grosse caillera. J’ai toujours été dans le groupe et s’il fallait agir, oui, j’étais là. Mais, c’est jamais moi qui commençait la merde ou qui était une figure de proue qui défendait le plus haut les couleurs du truc. Mais quand on bougeait pour des expéditions, j’étais là, tu vois. Donc, l’impact sur les meufs, pas vraiment.

H

Toujours dans la lignée féminine, as-tu connu des meufs qui faisaient de guetas ou des graffs ?

SB

Mmmh, pas vraiment.

H

Parce que j’ai déjà posé la question à droite à gauche et à part FANCIE, j’avais pas eu vraiment…

SB

Ouais, FANCIE, je l’ai connue vite fait, mais j’avais arrêté de tagguer depuis un moment déjà. Assez marrante, je m’étais rasé la barbe avec… son rasoir intime.

H

Ca, c’est de l’anecdote. Rires

SB

Pour le jour de l’an 2006-07. J’ai rencontré AKAZE TPK qui était plutôt dans le groupe en face on va dire, avec 2MOU des YKS, SARI des GT, 2SHY… C’est le meilleur jour de l’an de ma vie je crois, on s’est trop marré. Tous arrachés véner. Je voulais me raser les joues et laisser la barbe en bas. Enfin, faire un truc nul, pour être ridicule et faire la fête. Et évidemment, j’avais pas emmené mon rasoir en Belgique. Et j’lui dis : « toi, t’as un rasoir ? –Ouais, mais c’est pour le maillot. –Bah, vas-y, prête-le moi. –Putain, t’es relou. » Et finalement, elle me l’avait prêté. (rires)

H

Tout à l’heure, tu me disais avoir fait des lettres modernes, t’as fait ça directement après le lycée ?

SB

Ouais… euh non.

H

T’étais à la Sorbonne ?

SB

Non, à Nanterre. Mais avant ça, j’ai fait un semestre de philo’ à Tolbiac, avant lettres modernes. J’ai plutôt kiffé la philo’, mais j’avais du mal à réussir, puis j’ai fait lettres modernes, ce qui était le plus adapté à ce que j’aimais, du coup, ça s’est ressenti dans les notes aussi. Sinon je travaillais l’été, mais pendant l’année scolaire, ça va, mon père me mettait plutôt à l’aise. J’avais pas de voiture ou autre, hein, mais c’était quand même assez salvateur pour pouvoir mener ses études à la cool…

H

…et faire 2-3 tags à côté…

SB

Voilà, et puis pour avoir un peu d’argent de poche pour aller boire des coups ou faire de la merde avec les potes (rires).

H

Et dans les lettres modernes, t’as été jusqu’à où ?

SB

Jusqu’à la licence. Après, j’ai commencé à bosser et rentrer dans la vie active avec des boulots alimentaires dans la vente, le stock ou livraison, mais avec la vague idée que je reviendrai à la maîtrise plus tard, et je l’ai jamais fait. Même encore maintenant, j’y pense, pas spécialement pour valider des diplômes, mais plus par soif de connaissance.

H

Tu te définirais comme quelqu’un de curieux alors ?

SB

Mmmmhhh… Je sais pas parce que… C’est une question que je me pose souvent. En tout cas culturellement oui, je suis assez curieux, j’ai envie d’apprendre. Je suis quand même assez paresseux aussi. Je suis assez velléitaire comme on dit. J’ai des envies que j’accomplis pas forcément, mais j’essaie de mener ma barque autant que faire se peut en produisant des choses, en lisant des choses…

H

Qu’est-ce que tu fais actuellement pour gagner ta vie ? Tu me disais être autoentrepreneur-concepteur-rédacteur… mais concrètement, ça veut dire quoi ?

SB

Ouais, ce sont des mots-valises qui veulent pas dire grand-chose… Depuis trois ans, j’ai arrêté de faire des boulots alimentaires. D’une part, par pur opportunisme parce que j’en pouvais plus, et que je voulais toucher le chômage pendant deux ans. Là, depuis un an, du fait de décès dans ma famille, j’ai touché un peu d’argent, ce qui m’a permis de rester à flots et vivre à la cool jusqu’à l’heure où on parle. Faudra vraisemblablement, que je remette les mains dans le cambouis pour avoir des rémunérations plus fréquentes… Parce que ce que je génére dans mon activité d’autoentrepreneur-concepteur-rédacteur, ce ne sont pas des sommes extravagantes qui permettent de vivre au jour le jour. Je désespère pas du tout d’y arriver un moment ou un autre, parce que j’ai quand même fait certains trucs, mais ça reste embryonnaire pour l’instant.

H

Ca sera amener à se développer alors !

SB

Si Luc Besson se positionne sur STAR et fait une co-prod’, tu vois…

H

Vas-y, tonton Luc…

SB

J’ai d’autres projets avec Marc-Aurèle, on va continuer et on verra bien.

H

J’ai vu des photos avec Blancho… C’est quoi Blancho ?

SB

L’idée de Blancho, en gros, c’était de se structurer un minimum, juste pour pouvoir faire des soirées à droite à gauche, sans grosses ambitions lucratives, juste pour faire la fête, pour pas payer notre alcool et faire des bonnes soirées, quoi ! Et on a plutôt réussi sur quelques soirées, c’est un peu à plat en ce moment, mais ça renaîtra peut-être dans quelques temps, je sais pas. En tout cas, on se voit toujours tous et c’est cool.

H

Tu te souviens de l’arrivée de l’acide et des premières gravures, des stickers ?

SB

Ouais, j’ai fait un peu de stickers, un tout petit peu. C’est arrivé en plein quand j’étais dedans, c’était assez cool parce que tu pouvais tenter des styles à tête reposée. Par contre, l’acide et les rayures, j’ai jamais fait. Quoique les rayures, si.

H

Jamais trop adhéré ?

SB

Si, si. Quand je voyais un mec qui avait niqué une vitre jusqu’au plus profond de son ADN et que la vitre, faut juste la remplacer, tu peux rien faire, c’était fort.

H

Tout à l’heure, tu parlais du côté addictif, qu’est-ce qui t’as fait arrêter le gueta et est-ce que ç’a été dur ?

SB

Non, ça s’est fait assez naturellement parce qu’au milieu de ma période graffiti, je me suis vraiment dirigé vers le rap, qui est une passion plus forte que le graffiti et le rap a donc pris de plus en plus de place et le graffiti de moins en moins. Y’a eu une passation de pouvoir comme ça assez simple et puis comme je te le disais, j’étais pas un tagueur de beaucoup d’envergure et puis, en 2001, quand les mecs se sont faits serrés, c’était un peu chaud. Moi, j’avais pas les couilles grosses comme aç par rapport au graffiti. J’me souviens plus trop si ça a joué, mais simplement, mon attention s’est déportée sur le rap. Et pourtant là, j’ai 37 ans, ça fait un bon dix piges que j’ai arrêté, voire un peu plus, mais je taggue encore sur des feuilles… vu que je traîne avec des gars qui tagguent encore, de temps en temps, je prends leur bombe, voilà, c’est assez rare, mais c’est marrant.

H

Tu parlais d’addiction, il fallait que tous les jours t’ailles gueta ?

SB

Ouais, ouais… de quinze à vingt ans, je te dirais. Toute ma vie, je pense que je serai dans une crise identitaire. J’aime bien le doute, au sens philosophique du terme, donc ça me gêne pas spécialement. Mais ado, j’étais vraiment quelqu’un de particulier, de solitaire, y’avait les problèmes dont je te parlais avec ma mère qui me rendait un peu névrosé. Et donc, le foot, le basket et le graffiti étaient vraiment des exutoires. Donc, avec mes potes de l’époque, les KERNY, etc. et puis plus tard les ABC, on pouvait passer des journées dans le métro. Il pouvait faire 30 degrés dehors, super-beau, machin, on s’en battait les couilles, on voulait niquer du tromé et du couloir, etc. J’me souviens très précisément de l’impression d’addiction que j’avais. On s’appelait, on pensait qu’à ça. C’était vraiment un truc central dans ma vie…

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LORCK- KOMPLO et 1KLINE

H

Obsessionnel ?

SB

Ouais, complètement. Tu penses qu’à ça. Tu sais, quand tu prends les transports, tu regardes par la vitre, tu vois ce qui a été fait de nouveau ou les trucs anciens que t’aimes bien. Tu regardes les tunnels. Ca fait plus de dix ans que j’ai arrêté, mais j’ai encore ces réflexes. C’est comme une seconde nature. Tous les taggueurs savent très bien de quoi je parle. Je regarde toujours dans la rue les nouveaux trucs.

H

Le radar est donc toujours actif ?

SB

Complètement.

H

T’as déjà vécu ailleurs qu’à Paris ?

SB

Non, j’ai jamais vécu ailleurs.

H

T’es donc éminemment attaché à Paris, je suppose ? Est-ce que t’as cette relation d’amour et de haine envers Paris comme certaines personnes, une ville qui est soûlante par bien des aspects et en même temps la plus belle du monde ?

SB

J’ai tellement une… il hésite… affection, infection, tu vois c’est pas loin. Une affection intime pour Paris, je la prends comme elle est. Je suis très conscient de ses défauts, du parisianisme qu’on nous reproche, tu vois, j’ai pensé à ça quand tout à l’heure tu me demandais si j’étais curieux, parce que les parisiens sont pas forcément hyper-curieux les uns des autres. On reste un peu dans notre truc de consanguins, les taggueurs entre eux, les branchés de la nuit… Même si ces frontières sont devenues de plus en plus poreuses avec le temps et c’est plus cool aujourd’hui. Mais à l’époque, dans les années 90, fallait choisir ton camp, t’étais une caillera, éventuellement un taggueur, ou t’étais un danseur, ou t’étais un rappeur ou t’étais un bouffon, enfin tu vois… Et, y’avait des espèces de luttes, des bastons de regards, un potentiel de test permanent tu vois, qui s’est beaucoup amoindri. Et c’est tant mieux. Mais pour en revenir à Paris, la ville a tellement infusé mon tissu créatif, ma personnalité… je suis indéfectiblement lié à cette ville. Ses défauts sont en moi et je les combats…

H

Les hipsters ?

SB

Je suis un hipster, un bobo. C’est très parisien. Mais… Paris… forever. (rires)

H

T’as été touché par les attentats ?

SB

Evidemment, deux attentats dans l’est parisien, dans des rues que je connais bien. Le Bataclan, deux-trois semaines avant, j’y suis pour Mobb Deep. C’est une réflexion qu’on s’est faite avec des potes, si c’avait été un concert hip-hop… Je sais plus combien y’a eu de morts au Bataclan, 150 ?

H

J’ai plus le chiffre exact…

En réalité, 90 victimes.

 SB

Admettons 150. Dans un concert hip-hop j’en aurais connu 100. Et certains d’entre eux auraient été des amis très proches. Impossible de ne pas être touché, c’est des gens que tu croises au quotidien. Y’a eu l’aphorisme « on nous a attaqués, nous », le peuple entre guillemets. Et c’est vrai qu’on peut le ressentir comme ça parce que c’est un peu un lifestyle parisien qui a été ciblé ce jour-là. Charlie Hebdo, c’est une action-réaction horrible, injustifiée et injustifiable. Mais on pouvait quand même y trouver une certaine logique… démente, mais une logique. Là, c’est encore plus gratuit, les mecs ont tiré presque au hasard, ils ont tué des musulmans, même pour Charlie Hebdo, ils ont buté un keuf, c’était un musulman. Tu peux que constater à la fois la folie du truc et pour autant, il faut pas trop mettre le mot « fou » en avant et analyser un peu ce qui se passe et ce qui pousse ces gens-là à faire ça. J’ai jamais trop aimé quand on a dit : « ouais, c’est des désaxés, machin… » Bah, nan, les frères Kouachi habitaient rue d’Aubervilliers dans une cité. Dans un documentaire, on le voit rapper au début des années 2000. C’est clairement le moment où je rappais et où j’ai connu ces ambiances-là. L’ADN de ce mec, je l’ai un peu en moi et j’en ai croisé treize à la douzaine. Faut clairement pas mettre une étiquette définitive en parlant de folie… enfin on a un peu dévié…

H

Lorsque tu écris, t’es toujours sur un clavier désormais ou bien il t’arrive encore de tenir un stylo-bille ?

SB

Je ne doute pas des vertus d’écrire à la main, je crois que Jean d’Ormesson le fait encore (rires)… J’ai une très mauvaise écriture, calligraphiquement parlant. Je n’aime pas trop mon écriture et même mon geste d’écriture est pas super fluide et je peux vite fatiguer en écrivant à la main, donc je l’ai fait à une époque parce que j’avais pas d’écran d’ordi’, mais maintenant, c’est clairement qu’en traitement de texte. C’est plus simple pour reprendre. Et je travaille beaucoup mon texte, je le reprends dans tous les sens, donc… C’est très très raturé, à la main, c’est l’enfer.

H

T’écris encore pour Yard ?

SB

Ouais, à chaque fois que y’a une publication papier de Yard -Yard Paper- je suis dedans, la dernière page avec des illustrations de mon gars, Lazy YOUG. YOUG de LGB, frère d’armes, s’il en est. Et donc, là, y’aura un Yard Paper en septembre et vraisemblablement je serai dedans une nouvelle fois.

H

Rétrospectivement, ces dix années de pratique du gueta, qu’en retires-tu ?

SB

Je sais pas trop ce qui t’amène au graffiti. Un peu l’oisiveté, un peu les moments difficiles de ta vie, comme j’te disais. T’as un peu besoin d’une catharsis comme une autre. Et comme disait Léa Seydoux, c’est un peu l’école de la vie (rires). Et ce que j’en retire, c’est vraiment la substantifique moelle de l’amitié, d’un lifestyle hyper-urbain, vraiment mortel, où t’es toujours un peu sur le qui-vive, sur la brèche. Tu vas provoquer les choses. D’être toujours sur la console ou sur un court de tennis avec un prof, c’est très cadré. Quand tu traînes dans la rue, une bière à la main, et que tu taggues, y’a comme une accélération de la vie et tout un tas d’émotions. Et des gens que j’ai rencontrés dans ce cadre-là sont encore des amis de vingt ans, donc ça va au-delà du gueta au sens strict. Les ABC, les LGB et ASG… j’ai un peu joui du rayonnement des groupes. Mais c’est marrant comment les gens qui n’ont pas vécu ça sont complètement étrangers à ce phénomène d’addiction, ils arrivent pas à appréhender le phénomène. Et puis, c’est cool d’être fâché avec les rombières, avec tout les cerveaux immobiles qu’il peut y avoir dans une ville, les gens qui encaissent pas tous les nouveaux trucs, tous les trucs de jeunes. Comme nous on encaissera peut-être pas certains trucs dans vingt ans. Y’a un truc très primaire d’homme de Cro-Magnon dans le graffiti de marquer un endroit de sa présence. C’est quand même assez fort. A 11h du soir, tu fais un gros gueta sur une devanture, il reste deux semaines et quand les gens passent, les initiés : « ah, il était là ! ». C’est quand même assez fou ! (rires) On se rend pas compte de la puissance de ce truc. Si en plus, t’as bien taggué et tout, de la couleur ou autre… y’a plein de paramètres en ligne de compte qui vont faire de ce truc qui apparaît comme une trainée de pisse pour n’importe quelle connasse qui capte rien… ou connard, je sais pas pourquoi je suis sexiste. Tout d’un coup, ça devient une espèce d’œuvre d’art pour ceux qui savent.

http://www.nodistrict.com/bardamu-x-molly/

Un des articles de Bardamu aka Serge sur le web.

H

Un souvenir marquant ?

SB

Je me souviens que SAKA, une figure de proue des ABC, avait souvent un sabre sur lui en cas d’embrouilles. Et c’était marrant parce que c’était l’époque des joggins coste-La ou Tacchini et donc, il l’avait un peu derrière, coincé dans l’élastique du bas de jogging, mais du coup, ça dépassait de ouf de sa veste de jogging. A la base, t’avais déjà pas envie de le faire chier, mais en plus il avait parfois le sabre qui dépassait. Quand je repense à ça, ça me fait marrer… (rires).

Sinon, une autre fois, c’est assez vieux ça. On était à St-Georges, on avait fait un saut de rail. A St-Georges, y’a des arches qui ont été fermées par des grilles depuis, mais avant, tu pouvais sauter, en faire un, puis niquer l’autre de l’autre côté en restant dans les arches qui sont entre les deux voies. Et, donc on avait fait un saut de rail, on devait être vingt. Bam. On pète le truc. Les quelques personnes sur le quai qui hallucinaient et y’a un mec qui vient nous voir, on est vingt autour de lui, tout excités par ce qu’on venait de faire en équipe et tout… « Ouais, je suis journaliste, ça m’intéresse ! » Il nous avait donné sa carte. « Ouais, je veux faire un article sur vous », puis le truc du taggueur, c’est d’être renommé, peu importe la manière. C’est encore mieux si ça pète dans l’actualité, comme ont pu faire les anciens avec la station Louvre (lien). Donc, j’me souviens de ce moment à vingt autour du journaliste. Ça s’est jamais fait mais c’était marrant. Maintenant y’a eu une certaine normalisation du graffiti, le « street art » est apparu mais à l’époque c’était encore bien raw and uncut. Le film parle de ça aussi.

Sinon, un moment assez triste pour nous. Y’avait SAINT et YOUG qui étaient allés sur la Petite Ceinture vers porte de Clignancourt et SAINT, qui portait une bague, est tombé en escaladant la grille, et son annulaire s’est coincé dans un pic avec la bague. Le doigt a sauté à partir de la première phalange. La peau et les deux dernières phalanges se sont enlevées comme un étui. YOUG a pris le doigt resté sur le pic et ils sont partis à l’hôpital Bichat qui est juste à côté. Ils avaient essayé de le lui recoudre, mais ça a pas marché. Donc, mon pote SAINT, il lui manque un doigt à la main gauche ou droite, à cause de cabrioles de taggueur. Il a pas perdu la vie ou un bras, mais c’est quand même sale. Je fais donc un vibrant hommage à son doigt et à la PC qui aura fait quelques victimes. (rires)

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