TAKI 183 et sa descendance à crayons.
Taki est un adolescent de Manhattan qui écrit son nom et le numéro de sa rue partout où il va. Il dit que c’est quelque chose qu’il doit faire, simplement.
Son TAKI183 se trouve dans les stations de métro et à l’intérieur des wagons de métro partout dans la ville, sur les murs de Broadway, à l’aéroport international Kennedy, dans le New Jersey, le Connecticut, dans le nord de l’état de New York et ailleurs.
Il a engendré des centaines d’imitateurs, dont JOE 136, BARBARA 62, EEL 159, YANK 135 et LEO 136.
Pour ôter ces mots, en plus des obscénités et des autres graffitis dans les stations de métro, la régie des transports new-yorkais estime que cela a coûté près de 80 000 heures de main d’œuvre, soit environ 300 000$ l’année dernière.
« Je travaille, paie des impôts aussi et cela ne fait de mal à personne », dit TAKI dans une interview et mis au fait du coût inhérent pour retirer les graffitis.
Et de demander : « pourquoi ils s’en prennent aux petits ? Pourquoi pas aux organismes de campagne qui collent des stickers partout sur le métro au moment des élections ? »
Le nom de famille se tait
L’adolescent de 17 ans vient de terminer le lycée et vit sur la 183ème rue entre les avenues Audubon et Amsterdam. Il nous demande de ne pas divulguer son nom de famille. Taki, raconte-t-il, est un diminutif traditionnel grec pour Demetrius, son véritable prénom.
« Je ne me sens pas l’âme d’une célébrité au quotidien », dit-il. « Mais les gens me le font ressentir quand ils me présentent à quelqu’un. ‘C’est lui’ disent-ils. Les gens savent à qui ils parlent ».
TAKI raconte que lorsqu’il a commencé à écrire son nom et sa rue sur les camions de glace du quartier au début de l’été dernier sans se faire remarquer, personne d’autre ne faisait de graffitis similaires.
« Je ne travaillais pas à ce moment-là », déclare-t-il ; « et ça fait passer le temps, tu sais. J’ai repris la forme de JULIO 204, mais il a fait ça pendant 2 ou 3 ans, à l’époque, et puis il s’est fait pincé et a arrêté.
« C’est le king ».
« Je faisais ça partout où j’allais, c’est tout. Et encore maintenant, mais pas autant qu’avant. On le fait pas pour les filles : elles semblent pas y prêter attention. Tu fais ça pour toi. Tu te mets pas là-dedans pour être élu président ».
Il dit ne pas avoir idée du nombre de fois qu’il a écrit son nom.
Les autres adolescents du même bloc sont fiers de lui. « C’est le king » nous dit un jeune allongé sur un perron de porte.
Raymond Vargas, un jeune de 16 ans à la coupe afro, ajoute : « ça fait que tout le monde s’y met ». « J’aime bien placer mon nom de temps à autre mais pas dans des endroits accessibles et où les gens peuvent y toucher ». Il dit tagguer RAY A.O. – pour All Over (partout en français).
Le graffiti a une longue histoire dans le métro de la ville. Kilroy, partout pendant la 2ème guerre mondiale, a laissé sa marque avec des moustaches dessinées sur les posters publicitaires ainsi que des obscénités diverses.
Cependant, les autorités déclarent que le problème s’est étendu pendant les deux dernières années.
Un problème aussi plus difficile à traiter. Les « Magic Marker » et autres feutres sont considérés comme indélébiles sur le béton et les autres surfaces rugueuses dans les stations de métro. Ces surfaces sont repeintes pour faire disparaître les graffitis.
A l’intérieur des wagons du métro, de nouveaux détergents surpuissants arrivent à retirer presque tout des surfaces de métal polies à l’exception de l’encre de Chine.
Floyd Holoway, un agent chargé de la sûreté de la régie des transports, également deuxième vice-président de la Transition Patrolmen’s Benevolent Association (syndicat des agents de sûreté) déclare que la plupart des graffitis apparaissent juste avant et après les heures de cours.
« Ce n’est pas un délit grave » dit-il. « La plupart du temps, ils n’essaient pas de baratiner pour s’en sortir quand ils sont attrapés ».
Il dit avoir attrapé des adolescents de toutes les parties de la ville, de toutes les races et religions et de toutes les classes économiques.
La véritable infraction, déclare la police de la régie des transports, rentre dans la catégorie des violations parce qu’elle fait uniquement partie des règles de la régie des transports, et non pas de la loi. Toute personne de plus de 16 ans qui est attrapée est assignée à comparaître, déclare un porte-parole.
Suspendu… une fois
Taki dit ne jamais avoir été attrapé dans le métro. Par contre, il a été suspendu une fois pendant une journée de l’Harran High School pour avoir écrit sur les murs, et un agent des services secrets l’a sérieusement sermonné pour avoir écrit sur une voiture des services secrets lors d’un défilé.
Le jeune, qui déclare vouloir intégrer une université locale en septembre, concède que sa passion pour le graffiti n’est pas normale : « vu qu’il n’y plus de report d’incorporation pour les étudiants, je vais peut-être aller voir un psychiatre et lui dire que je suis Taki 183, je suis certain que ca suffira pour qu’il m’obtienne le report pour raisons psychologiques ».
Mais il ajoute : « je ne pourrai jamais raccrocher. J’ai encore sur moi un petit Magic Marker avec lequel je me balade ».
L’article original du 21 juillet 1971 du NY Times.