Parisienne et « familiale », j’ai été rencontrer une bonne partie de l’équipe des TS.HO fin 2018 entre Pantin, République et le canal St-Martin. Au programme: des golfeurs, de la story Insta, des yeux qui brillent et de la peinture, énormément de peinture.
Hélaire : On rentre dans le vif du sujet, avec une question évidente vu le nom de votre crew ; pourquoi TS.HO, Toujours Sous Homards ?
TS.HO : C’est un délire second degré. Etant donné que le crew est une addition de deux équipes à l’origine, les TS et les HO, ça a donné TS.HO. On voulait pas non plus un nom qui fasse gangsta et le homard étant un met de qualité, on voulait rester dans cet esprit « qualitatif ».

Rep(u)resent
H : Depuis combien de temps vous graffez ?
TS.HO : On graffe tous depuis pas mal d’années, certains moins… Mais TS.HO, la connexion des deux équipes a cinq ans.
– Ouais, mais avant tout, c’est quand même une histoire d’amitiés.
– Nous, les TS.HO, avant tout, on est un gros crew, une famille… On a pas trop envie de faire des connexions. Les seules personnes avec qui on est vraiment connecté, c’est les NFL (Nous Faisons L’amour, ndlr), ceux qu’on voit même en dehors du graff, des potos avant tout. Et après, on fait aussi du graffiti avec eux…
– C’est pas une connexion pour le graffiti. C’est nos potos avant tout.
-Mais si y’a du graffiti, ils sont là, y’a pas de problème.
H : J’ai été checké votre Insta et y’a aussi les 2CP (2000 Coups, ndlr)…
TS.HO : Ouais, chacun au sein du groupe a plus ou moins son crew d’origine, moi chui 2CP, un autre A16, lui est HLM…
– Moi, chui V.13…
– On a tous des crews extérieurs qu’on pose en plus…
-Mais maintenant, c’est quand même presque que TS.HO.
H : Justement, vous avez cette spécificité comme peu de groupes en France, à part peut-être les FLMST, de faire passer le groupe avant les membres.
TS.HO : Y’a aussi les SDF…
H : Ouais, mais on les voit moins en ce moment…
TS.HO : On les connaît un peu les SDF, y’a eu des embrouilles au sein de leur équipe, y’en a qui sont à Bruxelles, d’autres à Paris. Chez eux, y’avait un boss dans leur équipe, nous y’a jamais eu de boss. Des mecs comme moi, qui sont dans le crew depuis cinq ans ou lui depuis deux ans, on est tous au même niveau.
H : Y’a pas un « mâle alpha »…
TS.HO : Hors de question…
– Homard A. quand même. (Rires)
TS.HO : Tu vois, juste là, y’a par exemple 2CP, RMK, TS.HO, NFL… (Sur le mur en face.)
– Ouais, y’a les 3FP (3 Fois Pires, ndlr), proche des RMK (Royal Master Kush, ndlr) aussi…
-Tu vois, par exemple, ce week-end, on a fait un graff avec pas mal de noms de crews, tu peux gérer la story Instagram ?
H : T’inquiètes, j’avais vu ça… Toute la lettre avec les noms de crews, qu’est-ce’ tu crois, j’ai bossé mon interview… (Rires)
TS.HO : Normalement, quand tu rentres TS.HO, t’oublies ton blaze, enfin, tu poses plus ton blaze et tu poses que TS.HO. Moi, par exemple, ça fait trois ans que j’ai pas posé mon blaze, lui ça fait trois ans pareil. C’est ça l’esprit. L’idée, c’est de voir le nom du crew, comme ça, ça fait plaisir à quelqu’un… celui qui va le découvrir. Donc lui, ça va le booster, le pousser à nous faire un kif. Les graffs, c’est des petits cadeaux qu’on se fait entre nous.
– Et surtout, dans la rue, quand on commence à connaître le style, on sait qui a fait quel TS.HO.
H : Justement, j’allais y venir, on voit que y’a différentes vibes selon la gueule des graffs TS.HO.
TS.HO : Y’a plusieurs écoles dans TS.HO, y’a Tolztoyz, qui est la branche ignorant, un délire abstrait, difficile à définir, d’autant plus que c’est des gens qui savent très bien peindre.
– C’est même plus de la lettre à la fin, c’est une peinture juste.
– Y’a plein de combinaisons et de styles selon qui va peindre avec qui.
– Après, quand on a pas le temps, dans la rue, on fait un T, un S, un H, un O. Après en terrain, on peut faire un travail plus approfondi. Mais dans la rue, souvent on fait ça parce qu’on peint souvent quand on est bourré, et vu qu’on est une bande de potes, forcément on se voit très souvent. Et donc y’a toujours deux-trois bombes qui traînent dans le tieks. Parfois, c’est aussi juste l’occasion qui se présente, on voit le store, on va en soirée, on a deux-trois bombes ; ça se fait comme ça. C’est très rare qu’on se dise, qu’on se rejoint pour aller faire une session.
– On se rejoint essentiellement pour boire…
– Ouais, essentiellement pour tiser, surtout pour se voir…
– La famille !
– On voyage ensemble, on va en festival ensemble…
– Même pour essayer de construire une vie ensemble. (Rires)
– On cherche un domaine à acheter…
– …pour faire notre propre vin, whisky…
– On va ptet un peu galérer au niveau des femmes… (Rires)
– On va devenir polygame. (Rires)
– On en a deux, on est quinze…
– Homard B., ça le fait pas du tout rire ce qu’on dit…
– Nan, mais en vrai, on est tous maqués dans TS.HO. Eh ouais… le graffiti n’empêche pas d’avoir des meufs.
H : Justement, c’est un bon moyen pour pécho le graffiti ?
TS.HO : Grave ! (presque en chœur)
– A la base, j’ai commencé le graffiti POUR pécho !
H : Bah voilà ! Ca c’est honnête !
TS.HO : Ma première meuf, mon premier amour, je l’ai croisée, je faisais des tags en permanence.
-J’me souviens, c’était R-MOZ, un boss du crew, on avait 14 piges, on était dans une soirée, il avait un book, il faisait ses tags et toutes les meufs étaient autour de lui. Et moi, j’avais trop le seum, j’étais là pour pécho tu vois… Et comment lui il a eu tout le succès, j’me suis dit, vas-y c’est mort… Et le lendemain ou le surlendemain, il allait graffer et j’lui ai dit : « je viens avec toi » et c’est comme ça que j’ai commencé à graffer. Après, très vite, j’ai commencé à kiffer le graff et tout, mais à la base c’était pour ça. Et je pense pas être le seul.
– Ouais, moi c’est à peu près ça aussi. C’est pas que pour les meufs, parce que c’est aussi pour un délire de vie en vrai, moi au début, j’avais pas du tout les mêmes potes, j’étais là à galérer, traîner, à rien faire à part boire, jouer aux cartes et…
– Aller au PMU !
– … nan même pas, c’était dans un petit coin de Montreuil, j’te parle, j’avais quinze ans… A seize ans, j’ai rencontré les NFL qui n’étaient pas encore vraiment les NFL, on était au lycée, on était petits… puis viennent les soirées dans les maisons, avec des meufs qui te plaisent et voilà…
H : Donc vous êtes tous originaires de Paris ?
TS.HO : Paris ! Pas de provinchiottes dans l’équipe ! (Rires)
– Très important !
– Ouais, ça nous tient très à cœur.
– Il a eu du mal à accepter la banlieue très proche, mais… (Rires)
H : Montreuil, ça compte pas ?!
TS.HO : Si, il tolère… tant qu’y’a le métro !
– En vrai, c’est Paris et banlieue proche.
– … mais y’a un mec qui vient de Bretagne quand même dans le crew qui pose BIGO, BIGORNO et c’est le seul…
– …le seul provinchiotte qu’on ait accepté !
– Le seul provinchmerde ! (Rires)
– Sinon, on vient tous d’un quartier différent de Paris.
H : Combien de membres dans TS.HO ?
TS.HO : Une équipe de foot, avec les remplaçants, 24 membres ; parce que t’as vraiment des remplacants, genre le fond de banc, ceux qui sont là presque que pour les photos de famille, c’est l’équipe B. (Rires) Et aussi on a une expression à savoir, de base, on dit qu’on est une équipe de foot et pas un joueur de golf ; quand on dit –ouais, t’es un golfeur- c’est que tu la joues perso.
– … surtout si on voit ton blaze sans TS.HO à côté…
– …dans ce cas, t’es un golfeur, mon loustic !
– Ouais et c’est mal vu… et donc on va dire que t’es un joueur de golf, donc tu vas t’faire tailler.
H : Récemment, j’ai vu que VAHé TS.HO avait fait une expo, c’est un truc qui vous tenterait ?
TS.HO : On en a déjà fait. Avec l’équipe, dans des squats, notamment plusieurs à Montreuil.
– Ouais, on arrive, on bosse un mois à l’avance, en tant qu’équipe… en tant qu’équipe tout le temps !
– La dernière grosse était à Clamart, on avait tous mis une toile et on avait même fait profiter d’autres personnes… cent exposants… dans un gros lieu sa mère… Pareil, à Montreuil, tout le monde mettait une toile…
– Comme à Bagnolet, l’ancien squat qu’on avait… Le lieu abritait l’expo…
H : C’était juste des toiles ou bien les murs étaient peints ?
TS.HO : Y’avait des toiles, des instal’… en vrai, c’était free, chacun mettait ce qu’il veut.
– On avait aussi peint les murs, à part ceux où y’avait les toiles, mais c’était volontaire. C’était le Hangar devenu le Garage à Bagnolet.
– C’était vers 2016-2017, c’est un lieu qui est fermé maintenant.
H : Donc pour en revenir à l’origine des TS.HO, c’est la connexion de deux équipes, mais comment ça s’est fait concrètement ?
TS.HO : Bah, ça s’est fait sur une peinture, non ?
– Homard A., toi tu connais l’histoire…
– Bon, moi j’étais pas là, mais…
– Homard B., toi t’y étais…
– Ouais, au premier jour de TS.HO, on s’est tous rencontrés, on s’était dit qu’on irait tous peindre vers Gallieni. On était une quinzaine. On a commencé à tous faire nos blazes au début ; des HO et des TS, chacun d’un côté. Et puis à la fin, pour notre dernier graff pour lequel on a dû courir, on a fait un TSHO. Et de là est né le crew.

Photo 1er TS.HO
H : Sans le point à l’époque ?
TS.HO : Exactement.
– Le point est vraiment indispensable.
– Le premier graff existe toujours d’ailleurs.
– En fait, on a pas quatre lettres, on a cinq lettres. Tu te fais insulter si tu mets pas le point. Sinon, c’est TSHO (prononcé TCHO).
– Et TCHO, il existe déjà.
H : Et c’est un marseillais !
TS.HO : Exactement. Bien renseigné.
– Les 2CP sont là-bas maintenant et j’y étais cet été. Enfin, ceux qui ont créé le crew sont là-bas maintenant.
H : Est-ce que vous avez des influences particulières dans le graff ?
TS.HO : Des gens qui nous influence ou si nous on influence… (Rires)
– Vu qu’on a tous des styles différents, on a tous un peu des influences différentes.
– Après, j’pense qu’on sera tous d’accord pour dire FD… NAV, même TPK pour le matraquage, ceux qui ont fait la scène sur Paris…
– 1UP…
– Mais c’est vrai qu’on est vachement centrés sur les parisiens.
-Franchement, le truc c’est qu’il y a plein de gens qui nous ont influencés et qu’on a rencontrés ensuite et la rencontre des fois, ça colle pas, c’est un peu une déception. J’dois dire que y’a eu plus de déceptions sur les gros noms qu’on a rencontrés qu’autre chose…
– A part KENO, les MB, YKS …
– Ouais parfois ça casse le mythe…
– On est tombés sur des gens parfois, c’est même des schlagues.
– Dans les influences, beaucoup PAL en tout cas.
H : Justement, mon ressenti perso, c’était surtout PAL et SDF.
TS.HO : SDF, ils ont notre âge, donc bon on a à peu près les mêmes influences.
– On a commencé à graffer en même temps qu’eux…
– Au début, on allait dans les mêmes soirées, même ça arrivait qu’on se foute sur la gueule, on avait le même âge, on graffait aux mêmes endroits, c’est vrai qu’on a été en embrouille pas mal de temps avec eux.
– Maintenant, on est carrément potes avec eux.
– Eux graffent depuis à peu près aussi longtemps que nous, mais ont créé l’équipe plus ou moins six mois avant que TS.HO soit créé.
H : C’est intéressant, parce que j’ai le sentiment que vous êtes vraiment actifs depuis deux-trois ans et que les SDF, c’était un chouïa avant…
TS.HO : Ouais, c’est ça.
– Mais en tout cas, c’est pas des mecs qui nous influencent les SDF. C’est plus on a grandi en même temps. D’ailleurs, eux ont aussi été influencés par le même genre de personnes.
H : Je voulais aussi évoquer NOSHY parce qu’il était lié aux TS.HO, il me semble…
TS.HO : Ouais, c’était un de nos potes. Il était très pote avec un mec de notre crew qui s’appelle OKUP…
H : Son décès est lié au graffiti ?
TS.HO : Ouais.
– Dans un tunnel de métro… (Puis plusieurs à reprendre.)
– Nan, c’était dans une voie ferrée. Avec son téléphone, y’a eu un arc électrique…
– On a fait une grosse peinture pour son RIP…
H : …sur les quais de Seine, sous la cité de la mode ?…
TS.HO : … nan, celle au théâtre de Ménilmontant, elle est restée assez longtemps d’ailleurs, près d’un an, juste derrière le théâtre, t’as un mur légal avec pleins de graffs, c’était là. Du coup, on a fait une grosse fresque, on en a fait une à Bercy, une ici aussi sur les quais.
– …c’était un baroudeur, un aventurier, très solitaire. Il est mort tout seul, dans une voie ferrée, vers cinq heures du matin et ils l’ont découvert vers seize heures, allongé entre deux voies de chemin de fer… Triste histoire.
– Après, y’a une prise de conscience, tu sais que quand tu graffes, tu peux tomber d’un toit… tu peux avoir peur, mais vraiment. Parce que tu te dis, là t’es bloqué et c’est arrivé plusieurs fois, y’a un pote à nous, ESHEK, il est tombé dans le métro et en se rattrapant, ses mains étaient à 20 cm du rail électrique… que des trucs comme ça. Et quand tu graffes et que tu fais ces choses-là, t’en as conscience forcément.
– Surtout que souvent t’as l’alcool qui est là…
– Après NOSHY, il était solitaire et un peu fou aussi. Ca lui arrivait de s’endormir dans des niches de métro…
– …il était un peu à la rue en vrai… un peu SDF.
– Mais c’était grave un bon gars.
– Paix à son âme.
H : C’est vrai que ces derniers temps, la scène parisienne a pas été gâté avec SAEIO l’année dernière…
TS.HO : Carrément. C’est un gars qui a vachement influencé le graffiti.
– Attends, mais c’était un génie ce mec.
– De t‘façon, ce sont toujours les meilleurs qui partent en premier.
– Un accident de bagnole à la campagne apparemment.
– Ca peut arriver à tout le monde…
– Bah comme Schumacher, les types vivent à 300 à l’heure et il meurt sur une vieille route de campagne.
– Mais c’est vrai que la mort de SAEIO, au début, j’y croyais pas. Même au début, j’croyais c’était un canular.
– Personne n’y croyait.
– Surtout parce que c’était SAEIO.
– Deux mois avant, on était à son expo’.
– C’est une légende. Et encore plus maintenant.
H : Du fait de son décès ?
TS.HO : J’pense.
– Avant déjà, c’était un précurseur.
– Tu vois, là, même maintenant, un an après sa mort, y’a personne qui a son style, sa patte. Mais personne ne l’aura jamais d’ailleurs.
– Un jour, ses peintures vaudront vraiment de l’argent.
– J’ai eu la chance, parce que j’avais une pote dans le même atelier, ‘fin même squat, de voir ses dernières toiles, j’étais trop saucé…
– … au Wonder/Liebert ?
-… j’ai vu sa dernière paire de requins… je les ai mises… (Rires) pour que ça me donne la force. Dans le te-squa, y’avait encore la liste pour sortir les poubelles et y’avait encore marqué SAEIO, Paul SAEIO et sa compagne…
H : Vous avez un support de prédilection ?
TS.HO : La rue.
– Ouais, la rue.
– Les camions, les toits…
– …les stores ! Ouais numéro un les stores…
– …numéro deux, entre les tunnels et les toits…
– … ah, si les stores étaient pas effacés…
– … ouais, en deuxième position, camions, tunnels de métro et toits ensuite et murs quelconques. Mais stores, ça reste le premier truc.
H : Vous avez fait du tunnel de métro donc ?
TS.HO : Moi, j’en ai fait pendant longtemps.
– Mais c’est pas trop le kif.
– Certains diront que le tunnel, c’est un truc que tu DOIS faire…
H : Un truc de débutant ?
TS.HO : Y’en a qui disent que si y’a pas ton blaze dans les tunnels… bah, t’es pas…
– En fait, c’est beaucoup moins risqué d’aller dans les tunnels que faire de la rue. T’as beaucoup moins de chances de te faire péter dans les tunnels que dans la rue.
– C’est vrai qu’une fois que t’es rentré, t’es tranquille.
– Tu peux te balader et faire plusieurs tunnels entre les stations…
– Après, t’as des mecs qui ont pété tous les tunnels, ils ont pas pété un seul panel aussi… C’est pas le même risque non plus.
– Parce que le risque reste un facteur important pour dire si t’es un bon graffeur ou pas.
H : Dans la rue, y’a quand même plus d’aléas ?!…
TS.HO : Après, nous, c’est organisé maintenant. On peut rentrer un graff en deux minutes. Mais le plus important finalement, c’est pas les mecs qui peignent, mais les mecs qui guettent.
– Par exemple, moi j’ai sept ans de guetteur ! (Rires)
H : J’espère tu l’as mis sur ton CV !
TS.HO : Elle, elle est en deuxième année…
– Nan, mais c’est vrai ce qu’il disait, que le guetteur est presque plus important que le graffeur même ; c’est lui qui a le plus de stress, parce qu’à cause de lui, tes potes peuvent se faire péter.
– Parce que quand tu graffes, le temps passe vite, mais quand tu guettes, tu vois tes potes… le temps passe lentement de ouf ! En même temps, faut pas que tu les stresses, parce que si tu les stresses, le travail sera moins bien fait…
– En vrai, on est organisé, en trois minutes, on peut te taper une grosse pièce, parce qu’on se connaît bien. On a l’habitude de graffer ensemble.
– Toi, tu fais contours, toi remplissage, toi surcontours et hop on est parti…
– L’important, c’est de kiffer le tracé, kiffer le lettrage. En fait, dès que tu sais qui fait le tracé, le lettrage, ca va tout seul.
– En fait, on se suit, et quand on arrive à la fin du store, c’est fini quasiment. Tu vois, le O est même pas entamé, que le T peut déjà être fini.
– Et c’est pour ça que c’est super rapide. C’est un peu comme une photocopieuse, y’a deux passages.

H : Y’a un côté efficace, rapide.
TS.HO : Bah, j’avoue ça nous fait kiffer en plus, quand tu rentres une pièce en une minute, on est fiers de nous.
– Ca marque beaucoup plus les gens aussi, si on faisait chacun que nos noms, nos blazes avec TS.HO dedans… y’en a qui dirait, ouais lui il a bien tout niqué, lui moins, mais il est aussi TS.HO, etc… Alors que là, tu vois que TS.HO et au pire, avec des blazes dedans. Ca dépend un peu de l’ambiance pour les cassdeds…
– Ouais, la plupart du temps, on fait un TS.HO, avec un 2018 à l’intérieur et c’est terminé.
– Des fois, ça arrive aussi qu’on fasse un gros TS.HO avec les noms de tout le monde, même ceux qui étaient pas là.
H : Et ça vous arrive de poser TS.HO, même en solo, sur store ?
TS.HO : Ouais, bien sûr.
– Bah, mon poto, il est parti au Brésil et il a fait une cinquantaine de TS.HO, il a mis son blaze de côté…
– Quand on a vu ça, ça nous a donné de la force, genre ah ouais, t’as fait ça là-bas, bah, tu vas voir ce qu’on va faire à Paris.
– C’est en mode donnant-donnant.
H : C’est une sorte d’émulation en fait…
TS.HO : Ouais, tu vois par exemple, j’étais en Italie avec ma meuf, on en a faits.
– Ouais, même chacun de son côté en vacances, il en fait là où il est.
– Y’a même un poto à nous, qui a posé tout seul, TS.HO à Hossegor, il s’est fait serrer et il s’est pris 4000€ d’amende pour un graff qu’il a fait tout seul. Tellement il était recherché, il s’est pris une grosse amende.
H : D’ailleurs, justement avec les keufs, comment ça se passe ?
TS.HO : Justement, l’autre jour, on se disait, ça fait un an qu’on s’est pas fait pétés… pourtant cette année, on a bien peint.
– On touche du bois.
– Après, par exemple, on était à Marseille, on s’est faits arrêtés plusieurs fois, mais ils nous ont laissé repartir, tu vois. Ca dépend vraiment du schmitt, de l’endroit où t’es…
– Après, maintenant, on a des bons guetteurs et on va vite, donc ça joue aussi.
-Très important le guetteur !
– TRES IMPORTANT LE GUETTEUR !

Près des Puces à St-Ouen
H : Des anecdotes marrantes à raconter ?
TS.HO : On était à Berlin, à une grosse station avec pas mal de changements, un passage un peu obligé quand t’es à Berlin. Bon, et à cette station, y’avait des échafaudages sur un immeuble qui donnait sur la voie ferrée en haut. Et donc, quand tu passais en métro, tu te prenais tout l’immeuble avec l’échafaudage devant et du coup, y’avait une grosse place qui était là et donc, je monte avec ANIS là-haut pour faire un TS.HO et un autre membre était en bas et toutes les personnes en bas regardaient ce qu’on faisait, parce que y’avait v’là le monde en bas et lui criait : « Don’t look, don’t look, go away, go away » avec un accent de ouf, et finalement on était plus cramés à cause de lui que par les gens. Et nous, on l’entendait d’en haut : « go away, no look ». ‘fin c’était marrant… Et lui rajoutait : « no pictures, no pictures ».
– J’en ai une aussi. On était cette équipe-là.
– La fine équipe !
– La fine équipe. Du coup, on avait bien bu, on cherchait des toits pour graffer sur Paris, on défonçait des halls de porte (ndlr d’immeuble, les portes), on montait, on a ptet fait cinq, six toits dans la soirée et à un moment, on arrive sur un toit, on marche super longtemps. On arrive à un endroit avec un balcon en contrebas, y’avait des chaises et un parasol, on pouvait se poser et j’dis aux gars, venez on se pose sur le balcon, pépère…
– C’est pas chez nous, hein…
– Et eux me disent, nan, arrête tes conneries… Du coup, je descends quand même, par le parasol et après, j’leur dis, j’vous passe les chaises là-haut, on sera bien sur les toits. Et j’commence à monter et là, y’a un p’tit vieux ou p’tite vieille, j’sais pas, qui sort sur le balcon : « mais qu’est-ce que vous faites là ?! » (d’une voix chevrotante)… alors que moi, j’étais en train de passer les chaises. (Rires) On avait déjà passé la table. Et j’essaie de grimper au parasol, comme j’étais descendu, et là, le parasol se casse la gueule et ça fait un bordel monstre sur la terrasse. Eux s’étaient d’jà tous barrés, ces enculés-là. Donc, j’essaie de monter par la petite barrière en bois qui séparait les deux balcons. Et là, pareil, la barrière se casse la gueule et au final, y’en a un qui revient et qui me tend le bras et j’arrive à remonter, c’est passé et on s’est barrés.
– J’me souviens, tu m’as chopé le bras comme si c’était une corde. (Rires)
– Bah ouais, ça faisait trois fois, je tombais, j’essayais de remonter… et la meuf qui pétait un câble, « mais qu’est-ce que vous faites sur le balcon ?! »…
– Ah, j’en ai une petite aussi. C’est la première fois que j’allais chez Homard C, en before, avant d’aller en soirée, on avait des sprays et il avait du LSD tu vois. Et moi, c’était la première fois que j’en prenais. Donc je prends un p’tit carton, je commence à être un peu fonsdé, et là, dans la rue, je commence à avoir l’impression d’avoir la bombe de Gulliver, un truc de ouf…
– … il s’arrêtait plus…
– …et j’arrêtais plus de tagguer, eux me disaient : « arrête, arrête, tu vas te faire péter… »
– …parce que vraiment, tous les mètres, il faisait un tag…
– …même nous, on marchait plus loin dans la rue, genre on le connaît plus…
– …en plus, on était une petite troupe, donc on était quand même voyant…
– …et là, ça manque pas, au bout du dixième store, j’me fais plaquer –voiture fantôme- et j’rentre dans la voiture et le LSD commence à monter dans la voiture… et les mecs me disent : « vous avez taggué quoi ?! »… et là j’entends le truc en écho : « VOUS AVEZ TAGGUE QUOI ?! Vous avez taggué quoi ? vous avez taggué quoi… » ; « J’AI RIEN FAIT ! J’ai rien fait, j’ai rien fait… » puis les bruits de talkie-walkies : « TIDIDIDI ! Tidididi, tidididi… » ; « MONSIEUR, VOUS AVEZ LES YEUX QUI BRILLENT ! Monsieur, vous avez les yeux qui brillent… monsieur, vous avez les yeux qui brillent… » ; « MAIS PAS DU TOUT ! Mais pas du tout…mais pas du tout ». Et après, j’me suis retrouvé en dégrisement dans la cellule, avec tout qui flottait…
– Il a fait toute sa fonsdé en cellule.
– Pour sa première…
– J’avoue nous on a continué, en mode, on a vu les keufs sortir de la voiture, on t’a vu contre le store, mais on t’avait prévenu !
– On t’avait dit : « Attention ! »…
– On l’a même pas regardé, on a tracé…
H : Tu citais Berlin, l’Italie, le Brésil… les TS.HO sont présents à l’international ?
TS.HO : Ouais, par exemple ; on était à Barcelone, on rentrait du Brésil, on était en escale avec un frérot des NFL. On regarde sur la map, on s’dit qu’on va faire un Renfe à Barcelone. On veut se faire un train, on regarde comment c’est. On arrive aux trains et on tombe sur deux autres espagnols qui étaient déjà sur le plan. Du coup, on ressort tous les quatre. On discute, on tape pas le truc pour l’instant. Et pendant qu’on parle, t’as tout un autre crew d’espagnols qui débarque et là on se retrouve à neuf à faire le plan de Renfe, et là on se fait le train, j’avais posé mon tel, pour prendre la vidéo –qui est mortelle d’ailleurs- on termine, puis t’as un mec de la sécu qui arrive et j’fais : « seguranzia, seguranzia ??? ». Et là les espagnols, ils disent : « tranquillo, nos otros vamos ! » ce qui veut dire, « tranquille, on y va, on y va ! ». Ils rangent leurs bombes, au début ça court pas, après on se met à courir et voilà… Mais c’est vrai qu’on partait à deux, en touristes absolus, et finalement on se retrouve avec un crew et maintenant on se suit sur Insta, et les mecs cartonnent grave sa mère et c’est un gros crew de là-bas. Ca s’est fait en se rencontrant par hasard alors qu’on est en escale, tu vois. Mais les rencontres avec des graffeurs, c’est souvent comme ça. Même ici, si tu restes toute la soirée ici, c’est pareil.
– … j’en ai une bien, tiens d’anecdote dans le même style… on est dans des tunnels, dernière circu, vers 23h30 – minuit, on rentre, on était quatre, trois NFL et un TS.HO. On se cale dans une niche pour attendre la fin des circus pendant vingt minutes. Fin des circus, on voit du bout du tunnel, y’a une équipe de gars qui arrivent. Au début, on sait même pas combien ils sont. On s’dit c’est les keufs. Finalement, on reste dans la niche en s’disant qu’ils vont pas nous voir et finalement les gars passent, ils étaient cinq, six et c’était des gueurtas. Et ils passent devant nous et on fait : « HOO !! ». Et là, p’tit coup de press’ de leur côté, surpris, ils font : « c’est qui ? c’est qui ? ». On fait : « c’est pas la police, c’est pas la police ! ». Et là ils font : « dites les blazes, dites les blazes, dites les blazes ! ». « NFL, TS.HO, NFL, TS.HO ! ». Et après ces connards nous ont empêchés de taper le panel, parce qu’ils ont dit : « venez on y va tous ensemble » et ils ont fait cramé le détecteur. Et on a tous dû repartir.
– C’était qui eux ?
– Y’avait des gros blazes !
– C’était 357, non ?
– Ouais, 357.
H : Bon et sinon la 12, qu’est-ce qu’il lui arrive ?
TS.HO : Ah bah tu veux savoir ce qu’il s’passe sur la 12… (Rires) T’as des mecs dont je citerais pas le nom qui ont pété la machine pour nettoyer les métros et c’est pour ça que ça tourne et y’a plein de métros tapés qui tournent en ce moment.
H : Parlant métros, vous avez fait un peu de roulant ?
TS.HO : On en a fait un peu, les NFL en font plus que nous, mais ç’a été des galères, y’a eu des perquis’ et tout, donc maintenant, on en fait à l’étranger, à Milan, Berlin, Gênes, etc. Ca se fait, mais à l’étranger. Paris, on a arrêté.

Sprechen Sie Deutsch ?
– Un truc qui nous a beaucoup refroidi, c’est une partie des NFL qui s’est fait pétée, avec procès, article dans le Parisien, les perquisitions sont passées sur TF1, 450000 euros pour du roulant et c’est des gens qu’on connaissait très bien et qui étaient avec nous tous les jours dans notre squat à Bagnolet à l’époque…
– Là, le truc attend toujours d’être jugé et y’en a qui font appel sur appel… mais t’as une tête qui doit 90000 euros, d’autres 40000, une autre 70000 et ils sont que cinq sur les 450000… Ca c’est chaud comme histoire.
– En plus j’me souviens, la perquisition passe sur TF1 et ils avaient mis des photos de graff qui n’étaient pas du tout eux, dont notamment un graff de TIGEN, un pote à nous, qu’il a fait à Amsterdam pour le reportage sur la perquis’ des OB (On Bifle, ndlr)…
– On voit les types ont tapé graffiti sur Google, pouf, ils ont pris la première image…
– Le truc le plus marrant, c’était les images en direct de la perquisition chez notre pote – parce qu’on le connaît bien ce caralho– et on est même déjà allé chez lui, tu vois tous les keufs en bas de chez lui en mode très véner pour la vidéo alors que notre pote est p’tit comme aç… Ils trouvent une cagoule, ils disent : « ouais, c’est quoi ça ? – Ch’est pour la moto ! », après ils sortent un gilet SNCF, « et ça c’est quoi ? – Ch’travaille à la ch’ncf ! » avec un gros drapeau du Portugal dans le fond. Dans sa chambre, ils trouvent des bombes, de l’acide…
– …avec les caméras et tout ?
– Ouais. Tu l’as pas vue la vidéo ?
– Ils ont pas trouvé des armes aussi ?
– Nan, c’était chez un autre mec, mais c’était des armes de la deuxième guerre mondiale.
– Ca devait être à son grand-père.
H : De toute façon, si c’est pas racoleur, ça fait pas d’audience… c’est pour ça que c’est toujours présenté sous un aspect bien manichéen, genre les gentils flics contre les sales délinquants…
TS.HO : Après, oui, en vrai, on est quand même des délinquants au sens de la loi.
– Ouais, j’me revendique pas délinquant, mais aux yeux de la loi, vu qu’on fait quelque chose d’illégal, bah…
– On a pas la même vision des choses non plus…
H : Comment vous vous fournissez en matériel ? D’la chour’ ?
TS.HO : Avant on volait nos bombes, mais plus maintenant.
– C’est assez variable maintenant, quand j’ai commencé à graffer au début, j’avoue je volais beaucoup, vraiment beaucoup, maintenant moins…
-… d’jà on gagne notre vie maintenant.
– Ouais, et on a une vie un peu plus structurée, donc on graffe moins tous les jours. Alors que quand c’est tous les jours, forcément ça coûte cher. Maintenant, on est davantage centré sur des actions, donc on part avec une idée de la peinture, qu’il y aura besoin de cette peinture-là et on va l’acheter. On s’finance aussi et y’a des gens qui nous paient nos bombes.
H : On peut dire que vous êtes sponso’ ?
TS.HO :On peut dire qu’on est sponso’ d’une certaine manière, parce que mettons qu’on aille graffer pour un lycée, le reste des bombes pas utilisées on va les garder. On leur demande un budget et après on garde le surplus de bombes. Donc, derrière on a un stock de bombes qu’on utilise pour nos actions, mais qui vient de plans légaux.
– Après, on fait aussi beaucoup de récup’ sur les pots de peinture par exemple.
– Mais récemment, on a eu plein de plans, donc on commence à en avoir pas mal.
– Donc on les paie pas, mais on les vole pas non plus.
H : Sinon ça doit revenir cher à la longue quand même…
TS.HO : Ouais et puis ça te restreint dans les couleurs, etc.
– Bah ouais, moi j’volais pas mal chez Leroy-Merlin pas loin de mon école, y’avait des caisses automatiques, j’passais juste un truc de peinture et j’en piquais cinq autres.
– Quand on paie notre peinture, en général, on met pas plus de 20€…
– C’est pas limité, mais en général c’est qu’on va faire une soirée ensemble et donc on va aller peindre.
– Mais en vrai, y’en a toujours un qui a deux-trois bombes, surtout quand on va sur Paris pour sortir le soir.
– Ca et/ou un marqueur.
H : Justement, quand tu… (un membre interrompt)
– Le graff, de base, c’est quand même un certain état d’esprit de free life. Quand on est tous ensemble, qu’on rentre dans un supermarché, on va voler nos bières, un petit truc. En fait, on s’engraine entre nous… On peut dire que c’est un lifestyle.
H : A l’image du squat par exemple ?
TS.HO : Ouais, ca fait partie du délire. En fait, tout ce qui est libre et gratuit… Toute chose est bonne à prendre.
– Tant qu’on fait du mal à personne.
– On va pas racketter des gens, mais on va pas se priver de voler, j’sais pas, des bières à l’épicerie ou bien des bombes, de la peinture.
– Un classique quand on fait un apéro, c’est un saucisson. C’était une base, dès qu’on rentrait dans un supermarché, c’était un saucisson.
– Et après on le coupait avec notre carte bleue… Et ça, ça faisait partie du délire.
– Le terme qui définirait aussi bien le groupe que l’état d’esprit comme j’te disais, ça serait freelife.
– Genre l’autre jour, j’ai péta un saumon fumé.
H : Donc Toujours Sous Saumon en fait… (Rires)
TS.HO : Voilà !
– Par contre, on est pas des voyous, on fait pas chier les gens, on va pas leur voler des trucs, on se dirige plus vers les entreprises, les trucs qui brassent un minimum.
H : Justement, lors de votre dernier festival fin octobre, j’ai vu que y’avait pas mal de trucs à organiser, gérer. Tout ça, ça a dû nécessiter de la maille, vous avez fait comment ?
TS.HO : Pour le squat à Pantin, c’est des potes à nous, un endroit ou y’a déjà eu pas mal de soirées organisées, donc on a passé un arrangement avec eux, ils nous laissaient le lieu et en contrepartie, on leur laissait l’argent du bar. Et avec cet argent-là, eux ont pu payer la scéno’ et les vigiles. Et nous on a payé une partie des vigiles grâce aux entrées libres qu’on a faites. En temps normal, des gens lambdas auraient payé le lieu -3000 à 4000€- et ensuite auraient dû tout faire une fois sur place. Et après, ils récupèrent de l’argent sur l’alcool et sur ce qui va être vendu pendant l’événement. Là, les tatoueurs et les artistes étaient pas payés, la scéno’ et la scène ont été avancés par eux, mais derrière, eux s’y sont retrouvés et même dégagés un bénéfice. Nous, on voulait pas de ça, c’était vraiment fait dans un esprit familial.

Festival – Octobre 2018
H : C’était le tout premier festival ?

Corporate
TS.HO : Oui le tout premier, mais vu qu’on a déjà organisé quelques expos, on a déjà un peu d’expérience, sur comment faire et travailler ensemble. Mais à l’image et via le graff, on sait qu’on peut travailler ensemble. En sachant que quand on se retrouve sur un graff, on sait que machin fait çi, moi j’fais ça… Et à force de le faire, on s’connaît et donc on sait bosser ensemble.
H : On parlait des flics avant, y’a aussi des justiciers dans le civil ?
TS.HO : Ouais, ça arrive qu’on vienne nous casser les couilles…
– Mais moins maintenant, parce que vu qu’on est beaucoup quand on sort, les gens viennent moins nous faire chier, l’effet de groupe joue en notre faveur clairement. Par contre, quand on est deux-trois, ça peut arriver qu’on vienne nous soûler.
– Mais souvent, c’est surtout des gens qui viennent soupirer à côté de nous et te prendre en photo…
-J’me suis déjà fait tapé quand même. On peignait à gare du Nord, on était déchirés, on faisait des fat-caps et y’a un grand renoi en survet’, casque de moto, qui arrive. Homard X pissait contre le mur, le renoi lui a foutu sa tête dans le grillage. Moi, j’étais trop chaud, genre « qu’est-ce qu’y a ?! »… Il m’a mis une grande mandale, j’ai rien compris…
– Ouais, des anecdotes comme ça, y’en a à foison. On peignait avec des gars, on s’est fait entourés, ils ont fait : « maintenant, vous allez payer 300 balles ». Au final, un pote leur a dit qu’il allait retirer, il est jamais revenu.
– Moi, ça m’est arrivé deux fois de me faire choper, notamment par les flics. Là, ces derniers parlent entre eux et finalement, me font : « passe moi ta bombe » et puis, ils m’ont peint les mains. Ils ont aussi repeint ma veste. Et après, ils nous ont dit de nous casser. Ca arrive aussi.
-Y’a aussi une fois où Homard Z demande à un keum si on peut faire son camion et le mec, tellement il avait le seum contre les graffeurs, lui crache dessus direct, alors que son camion était dégueulasse et qu’on aurait pu faire un truc cool. Y’a des gens qui sont vraiment anti-graffiti et ça, c’est une réalité. Mais généralement, on s’en est toujours bien sortis et quand on voit que ça tourne au vinaigre, on fait des téléportations, tu vois. (Rires)

Paris – Mai 2018
H : Donc le mieux pour s’en sortir dans ces cas-là, c’est la ruse, la malice, la tchatche ?
TS.HO : Ouais, au pire tu cours, mais généralement, t’arrives toujours à t’en sortir avec des bonnes paroles et disparaître ensuite.
H : Mais à part avant d’aller en soirée, ça vous arrive de graffer sobres ?
TS.HO : Ouais, ça arrive… Sobres, on s’pose plus. Mais, c’est vrai qu’on graffe pas que quand on est ivres, ni quand on est sobres ; souvent c’est crescendo.
– Mais ça se voit sur nos graffs ! A la fin, y’a marqué THSO…
– C’est déjà arrivé !
H : Et donc avec la maréchaussée, vous la jouez comment, vous niez systématiquement ?
TS.HO : Quand t’es pris sur le fait, c’est dur de nier…
– Généralement, on minimise la chose un maximum en fait ; on leur parle correctement. On dit que le truc était déjà taggué, sinon « regardez, à côté, y’a des tags partout… » ou bien qu’on connaît le proprio…
– En vrai, faut nier.
– Les dernières fois que j’me suis fait choper, ils m’ont demandé « c’est quoi TS.HO ? », j’ai dit que c’était le nom d’une meuf genre Tiphaine… Avec un autre membre, on avait dit que c’était Théophile et Olivier…
– … et Henri… (Rires)
– Histoire de passer pour un con.
– J’avoue y’a une fois où j’me suis fait choper, j’ai dit que c’était le jour de mon anniv’, que je voulais essayer de faire un tag, faire le rebelle. J’ai fait le boloss de ouf.
– En vrai, on essaie surtout de faire en sorte qu’ils lisent pas TS.HO.
– Une fois, j’ai vu les keufs arriver, j’ai commencé à recouvrir, genre j’ai fait des spirales, des arabesques…
– Mais c’est vrai que quand c’est pas la section tags, ils s’en battent un peu les couilles.
– Par contre, si tu tagues un mur à la SNCF par exemple, eux, savent très bien qui tu es, même si t’essaies de dire que c’est Théo machin, avec eux, que dalle, ça passe pas.
– Ils arrivent très bien à lire ton graff aussi.
– C’est des mecs qui sont payés pour ça.
– Les mecs s’y connaissent aussi bien que nous en graff, voire mieux. Ca fait vingt ans qu’ils bossent là-dedans. Ils reconnaissent même si tu fais pas ton blaze, ils vont reconnaître par le style. Et ça, ça peut être très douloureux. C’est pour ça qu’il faut toujours changer de style.
– Surtout si tu fais du métro.
– Ca arrive hyper rarement qu’on fasse des trains en France, mais par exemple, on va faire des phases de rappeur, par exemple, « T’es max en Y », on écrit pas TS.HO.
H : Entre les flics, vous, les « justiciers », il y a le grand public. Eux réagissent plutôt comment ?
TS.HO : Ca dépend des quartiers.
– Des villes aussi.
– A Paris, t’as des gens qui passent qui vont dire : « c’est moche ce que vous faites ! » ou bien « ah bah bravo… » ou bien « ça sert à quoi ? » Y’a rarement des gens qui s’arrêtent. Mais ca arrive que y’ait des gens qui sont cools, qui te prennent en photo.
– Quand on était plus jeunes, y’avait plus de darons qui s’arrêtaient pour dire « p’tit con, va ! ». Moi j’pense que c’est fifty-fifty. Dans le nord-est de Paris, c’est plus apprécié, sud-ouest, ça va être « p’tit con, t’es un connard, j’appelle les flics ». Mais en vrai, t’as plein de gens qui savent pas si c’est beau ou moche, surtout quand on est en train de le faire.
H : Tu penses que les gens manquent de références et donc ça les déstabilise ?
TS.HO : Ouais, clairement. Et peu de gens se penchent vraiment sur le graffiti et son milieu.
– C’est un cercle assez fermé. Et puis t’as plein de gens qui vont te dire aimer le graffiti, le street–art, ils vont voir un truc plein de couleurs, ils vont te dire qu’ils kiffent, alors que pour un graffeur, c’est pas forcément ça qui va primer.
– Ouais, le côté p’tit oiseaux, super bien faits, hyper-réalistes, nous on s’en fout.
– Et puis, quand tu connais pas le graffiti, tu remarques même pas les tags en fait. Avant de faire du graffiti, je remarquais jamais un tag.
– Et je sais que certains de mes potes, quand je leur ai dit « chui TS.HO », certains d’entre eux ont commencé à regarder ce qu’on faisait et c’est qu’après, qu’ils ont capté le délire et c’est après qu’ils ont dit que c’est trop lourd, etc.
– Même notre famille ; des gens qui y connaissaient rien et qui, nous connaissant désormais, se mettent à regarder.
– Je sais qu’une question qu’on me pose souvent, c’est souvent, comment vous faites ?
– Et c’que je réponds en général, « on sait voler, on est forts… » (Rires) « On a des super pouvoirs ». On a l’impression que pour les gens, c’est comme si ça apparaissait là par magie, l’autre jour, j’ai vu un post sur insta, d’un type qui n’avait rien à voir avec le graffiti et qui disait en substance « vous avez déjà vu des graffeurs ? Moi j’ai l’impression que ce sont des êtres qui n’existent pas et que les tags apparaissent subitement… »
– Genre le Mystère…
– Alors que pour nous c’est évident, le type est passé par tel truc pour accéder à tel endroit.
– Eux pensent qu’on sort la nuit, cagoulés, qu’on rase les murs…
– Qu’on a pas de vie en fait.
– Alors que le plus grand graffeur new-yorkais, c’était un avocat…
– T’es sûr c’était pas un anglais plutôt, j’crois j’avais vu l’article sur le net. Un mec qui payait trop pas de mine.
H : J’ai vu que vous étiez au taquet sur les vidéos et à contrario, j’me demandais si des bouquins comme Kapital, Subway Art, Spraycan Art, c’était votre came ou pas ?
TS.HO : J’ai rien compris.
– Moi non plus…
H : Les bouquins, les bouquins ! Qui sont un peu des références, des classiques quoi…
TS.HO : …genre Descente Interdite… ?
H : Ouais, c’est plus récent, mais par exemple…
TS.HO : En vrai, j’pense plus qu’on a plus été influencé par certains magazines comme Xplicit GrafX, Graff’bombz ou bien Graff’it. Mais plus à nos débuts.
– Instagram a remplacé tous ces magazines. Ils sont voués à disparaître d’ailleurs.
– J’pense qu’on a tous été influencés par les magazines pour nos premiers lettrages…
– Perso, ça a été les lettrages que j’ai vu dans les tunnels…
– L’autre jour, je vais au Palais de Tokyo et je vois qu’ils vendent des livres de graffiti. Je jette un œil et ça m’a saoulé, parce que j’veux pas faire l’ancien, mais j’ai quand même quelques années derrière moi, mais ça a pas évolué : c’est toujours les mêmes que tu retrouves dans les magazines, idem pour les bouquins, les mêmes gars, les mêmes graffitis, etc. Quand est-ce que la nouvelle génération va enfin être dans des trucs comme ça ?
H : D’où ma question sur Insta et ce rapport à la vidéo, bien différent, parce que vous avez grandi avec ça…
TS.HO : De ouf.
– Nan, c’est vrai que les vidéos sur Youtube, les Montana…
– Urban Vampires…
– Même sur certaines vidéos, t’as l’impression que c’est les mêmes… Après, les 1UP, ils ont fourni un gros taf… Après eux, y’a eu les KCBR… Mais sinon, si tu regardes des vidéos de graffiti, c’est…
– … bateau.
– Ouais, c’est bateau.
– Mais y’en a qui sont oufs, Grifters par ex. ou bien les Crack&Shine.
– En gros et malheureusement, c’est souvent assez monotone.
– Mais nous ce qu’on fait en ce moment, ou du moins ce qu’on essaie de faire, c’est faire du graffiti à notre sauce ici et maintenant, marquer notre empreinte avec notre définition du graff. Montrer que le graffiti, c’est une famille, des potos et pas forcément des mecs qui rasent les murs la nuit…
– C’est vrai que ce genre de mec, perso, ça me saoûle…
– Après, y’a des anciens, on sent qu’ils défendent leur époque…
– Mais y’en a ptet qui ont cassé ce truc hip-hop qui relevait de l’entraide, de la fraternité… Y’en a qui ont cassé ce truc-là, c’est parti en guerre entre graffeurs, alors que l’esprit hip-hop c’est pas ça, c’est plutôt genre on se rassemble, on rencontre des mecs de Londres, d’ici, d’ailleurs…
– … tu montres ton style à quelqu’un, le type va s’inspirer de ton style…
– Y’en a qui ont cassé ça, genre on des gangsta, y’a des territoires…
– Genre tu m’piques mon plan train, j’te défonce…
– Et nous on essaie de repartir sur ce truc hip-hop à l’ancienne…
– J’avoue, j’ai vu un truc sur Facebook, c’était genre les graffeurs la nuit, ils sont cagoulés, genre on est des oufs et dans la vraie vie, c’est des canards avec leurs meufs… (Rires)
H : Pour revenir à votre festival, j’ai justement eu cette impression que finalement c’était pas sectaire, mais bien hip-hop comme vibe… dans l’esprit de la définition que vous donniez plus haut…
TS.HO : Ouais, un rassemblement hip-hop à la sauce 2018, parce que y’avait aussi du son brésilien, de l’électro…
H : C’était assez varié finalement… donc finalement assez à l’encontre de ce préjugé du taggeur qui fait que ça dans sa vie…
TS.HO : Mais y’en a comme ça, on peut le retirer, mais c’est une infime partie du graffiti. Certains sont comme ça. Et ça s’voit sur leurs gueules déjà. Et c’est le graffiti qui choque, donc c’est pour ça que les gens retiennent ça.
– Mais pour te prendre un exemple à l’ancienne, les NTM, c’était des mecs qui faisaient du breakdance, du rap, du tag… des gars comme nous en fait…
– Le problème, c’est qu’on va retenir que les mecs trop violents alors que c’est 15% de la scène graffiti.
– Après, on a aussi cet esprit-là de tout niquer, parce que ca fait aussi partie de notre culture, mais avec une ambiance différente.
H : Gravure et acide, ce sont des choses auxquelles vous avez touché ou pas ?
TS.HO : J’ai fait un peu de gravure, même été pété pour de la gravure dans le RER, ça a tourné hyper-mal…
– C’est trop violent…
– C’est trop vénère…
– Après, l’acide c’est cool parce que ça reste ad vitam eternam, à moins qu’ils changent la vitre.
– Pour autant, c’est galère de s’en procurer. C’est plus en mode, si t’as un pote avec un marqueur d’acide, là on va le vider dans la soirée, c’est clair, mais…
– L’acide c’est interdit en France, parce que tu peux créer des explosifs avec, du coup tu vas l’acheter à l’étranger…
– La RATP te dit que si tu taggues à l’acide, tu mets en danger les gens parce que tu ronges la vitre et qu’elle risque d’exploser.
– En plus, ça nique les vêtements, les mains, c’est bien hardcore quoi.
H : Les chromes-noires alors, vous adhérez ?
TS.HO : Bah là, le GT en face, il est là, mais c’est sur que c’est du vu, du re-vu et du surre-vu, mais pour autant…je graffe comme ça, je graffe pas mieux que ça. Vraiment… donc bon… Après, dans l’équipe VAHé sait faire autre chose que ça, alors que moi pas trop…
– (VAHé) Ouais, moi j’aime bien bosser mes lettres, faire du son…
– Ouais, dans TS.HO, y’a un peu de tout, du son, de la peinture…
– Par contre un bon chrome-noir, c’est là où tu vas voir si le gars a du style. T’as pas cette histoire de fioritures, de bullshit, tu peux pas tricher.
– Tu vois direct si le mec est bon ou pas dans le lettrage.

St-Ouen – Août 2018
H : La question bio sans gluten maintenant, pourquoi y’a un espèce de respect des arbres ?
TS.HO : Jamais les arbres parce que… grand respect de la nature. J’suis hyper contre le fait de taper des arbres… la nature, les arbres, les belles pierres… Le but, c’est mettre du beau sur du moche, même si ça peut paraître contradictoire. Moi, j’irai pas graffer un château médiéval à l’ancienne. J’parle pour moi là, mais ptet qu’y’en a certains en vrai…
– Les belles pierres, les belles femmes… tout ce qui est beau, on respecte.
– Que du beau sur du moche.
H : Le graffiti vous a ouvert à d’autres pratiques ?
TS.HO : Le son, la peinture…
– Le kamasutra ! (Rires)
– C’est devenu un style de vie en fait, un truc un peu global.
– Pour certains, ça a ouvert des portes de l’art. Grâce au nom TS.HO, y’en a qui ont pu faire des expos, ramener des gens… Pour le festival, on a fait jouer des potes sur scène qui ont fait du rap etc. grâce à la notoriété TS.HO.
– Parce que mine de rien, Paris n’est pas si grand, donc ouais clairement, ça a pu nous ouvrir des portes.
– Sans le graffiti, je sais pas ce que je ferais. Ca a révolutionné ma vie.
– Y’en a pour qui ça a pu niquer leur vie. Des amendes, on s’en est tous pris, mais ça fait partie du truc. Après entre 2000 et 100000€ d’amendes, c’est pas le même délire.
– Le but, c’est pas niquer sa vie. Faut ptet savoir ralentir au bon moment…
– Après, c’est aussi beaucoup de belles rencontres.
H : Est-ce que y’a un côté addictif dans le graffiti selon vous ?
TS.HO : Clairement.
– Tu le sais quand tu vois plus ton blaze dans la rue et que tu vois le blaze d’autres personnes. Là, tu te dis c’est pas possible. Surtout quand tu vois tes stores se faire effacer et tu te dis, y’avait mes graffs, ils y sont plus… Par exemple la rue de Belleville, parce qu’un TS.HO y bossait y’a pas longtemps, y’a plus un graff à nous là-bas, ça fait mal au cœur, c’est angoissant, on se sent délogés.
– Ou bien un spot trop défoncé, comme le périph’ en ce moment, tu te dis qu’il va falloir y faire un tour…
– On va dire que si j’ai mal aux dents et j’dois aller chez le dentiste et que le jour même, ça fait longtemps que j’ai pas graffé et que tous mes potes vont graffer, j’annule le dentiste !
– Ouais, le mot drogue, c’est le bon mot.
– La drogue, c’est aussi l’ambiance avec les potos. Parce que quand tu sors avec eux, tu sais à quoi t’attendre… c’est forcément des bons moments…
– Donc tu peux pas redescendre…
– J’connais personne qui a commencé de graffer et qui a arrêté… pas complètement du moins.
– Ou alors tu traînes pas avec nous… (Rires)
– …nan, mais c’est vrai. Si t’as que le graffiti et que t’es tout seul, c’est nul.
– Et puis, même si tu t’arrêtes de graffer, quoi qu’il arrive, tu gardes l’œil sur ce qui s’fait.
– Ca, c’est à vie. Tu vois les petits nouveaux.
– Même si tu vas dans une autre ville, en l’espace d’une aprem’, tu sais qui est le king et tu vas retenir trois, quatre, cinq blazes.
– …qui dirige la ville.
H : Dans dix ans, vous vous voyez encore faire du graff ?
TS.HO : Dans dix ans, j’me vois encore avec ces affreux loustics donc euh… ça sera p’tet plus du vandale, plus des terrains sûrement parce qu’on aura p’tet des enfants, des situations plus claires…
– … ce sera surtout l’association, des vêtements…
– … y’aura toujours un barbecue tous les trimestres… des merguez…
– …un Noël TS.HO… en mode famille, quoi qu’il arrive.

Photos personnelles et TS.HO